Au milieu des années 1960, l'information circulait moins rapidement et moins facilement qu'aujourd'hui, si bien que plusieurs groupes de chercheurs pouvaient travailler au même moment sur le même sujet sans discuter les uns avec les autres. A l'époque, on développait la théorie des particules élémentaires connue aujourd'hui sous le nom de "Modèle Standard", mais les physiciens butaient sur une difficulté majeure : ils n'arrivaient pas à bâtir une théorie cohérente dans laquelle les particules avaient une masse. Une piste prometteuse pour résoudre ce problème s'inspirait de développements contemporains dans un domaine totalement différent, celui de la supraconductivité, en suivant notamment le travail de Philip Warren Anderson (prix Nobel de physique 1977). En 1964, trois groupes adaptent indépendamment ce modèle au cas de la physique des particules :
cités ici dans l'ordre de publication des articles présentant leurs travaux.
Le mécanisme qu'ils ont proposé a permis au Modèle Standard d'acquérir sa cohérence. La validité de cette théorie a été mise en évidence au CERN, d'abord avec la confirmation de l'unification à haute énergie des interactions électromagnétique et faible -- voir la zone "Force faible" du site -- dans les années 1970 et 1980, puis la découverte du nouveau boson massif en 2012 au LHC.
Ces six chercheurs ont reçu ensemble en 2010 le prix Sakurai, une des distinctions les plus prestigieuses en physique théorique. Et, le 8 octobre 2013, le prix Nobel de physique (décerné au plus à trois personnes) a récompensé François Englert et Peter Higgs "pour la découverte théorique d'un mécanisme qui contribue à [la] compréhension de l'origine des masses des particules subatomiques et qui a été récemment confirmé par la découverte de la particule fondamentale associée par les expériences ATLAS et CMS du LHC au CERN".
Maintenant que ce mécanisme est bien établi, la question de son appellation est revenue sur le devant de la scène. Pour mieux rendre compte de sa généalogie, de nombreux physiciens s’efforcent aujourd’hui de parler de « boson scalaire » et de « mécanisme BEH » (pour « Brout-Englert-Higgs »), voire de mécanisme d’« (Anderson-)Brout-Englert-Higgs-Guralnik-Hagen-Kibble ». Par contre, il semble difficile d’identifier cette particule à une autre lettre que le « H majuscule » que l’on retrouve dans toutes les équations depuis des années.